« Le Dakar a une place à part dans le sport »

A quelques jours du début du 38ème Rallye Dakar qui démarrera d’Argentine le 3 janvier prochain, Sportsmarketing.fr est allé poser quelques questions à Etienne Lavigne, Directeur du Rallye Dakar, pour connaitre les enjeux d’une telle course et ses nouveautés pour l’édition 2016.

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Sportsmarketing.fr : Vous êtes directeur du Rallye Dakar, en quoi consiste votre métier ?

Etienne Lavigne : Mon métier consiste à imaginer d’une année à l’autre, la prochaine édition du Dakar, son tracé, son organisation sportive, logistique et médiatique. C’est vraiment porté toute l’année la prochaine édition du Dakar, avec l’équipe des 25 personnes qui m’entourent à l’année. Mon métier consiste vraiment d’une année à une autre, à imaginer à quoi va ressembler le prochain Dakar, les pays qu’il va emprunter, les spéciales, l’environnement sportif, le type de géographie que le Dakar va traverser, et donc de monter autour de ce décor un événement sportif d’ampleur et d’exception qui comprend 355 véhicules, 13 jours de courses, 9 000 km dont 5 000 km de compétition dans des environnements sublimes mais difficiles (sable, boue, dune, plateaux, crête, etc.). Pour tous ces éléments, le Rallye Dakar est un peu le Vendée Globe des sports automobiles.

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Est-ce que vous pouvez nous présenter ce nouveau Rallye Dakar, 38ème du nom ? Quel est le budget de cette édition par rapport à la précédente ?

Le budget repose sur trois composantes dans l’ordre d’importance : les concurrents, les pays qui contribuent aux coûts logistiques (surtout depuis le transfert du Dakar d’Afrique en Amérique du Sud avec des coûts plus onéreux sur les transferts de la course) et les partenaires marketing et média.

Nous sommes propriétaires et organisateurs historiques du Dakar mais les pays ont un rôle primordial des pays. La collaboration est telle avec les pays que le Dakar est déclaré événement d’intérêt national.

Quant aux coûts, ils sont simples car liés à la logistique de l’épreuve. Je rappelle que nous fournissons un certain nombre de prestations aux concurrents que ce soit le transfert de leur véhicule d’Europe en Amérique du Sud et d’Amérique du Sud en Europe, on leur fournit les équipements de sécurité, nous les assurons et organisons tous les soins nécessaires avec plus de 60 médécins-urgentistes, anésthésites, réanimateurs présents avec nous pendant plus de 2 semaines. Le Rallye Dakar est la course la plus risquée au monde donc elle est bien évidemment la course la plus sécurisée donc le dispositif de sécurité absorbe une très grosse partie du budget.

Dakar 2015

Les 31 décembre et 1er janvier prochain, auront lieu les vérifications administratives et techniques qui s’annoncent comme deux jours de fête pour le public. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le Dakar a cette particularité d’être un événement itinérant à travers différentes provinces et différents pays. C’est un événement qui va à la rencontre des gens. Les chiffres de fréquentation sur le Dakar sont colossaux. A Lima, nous avions eu plus d’un million de personnes dans les rues pour assister au départ de la course. Il n’est pas rare d’avoir sur une étape du Dakar, que ce soit au départ ou à l’arrivée, entre 180 et 230 000 personnes sur les zones publiques ou au bivouac. Le Dakar est une véritable attraction. Et pour une raison simple : le Dakar est placé au mois de janvier qui est un mois d’été en Amérique du Sud et qui plus est un mois de pleines vacances scolaires. Par conséquent des familles entières se déplacent pour aller voir le Dakar, il y a un “effet Tour de France” comme on le voit en France.

Dakar 2015
Des spectateurs argentins au bord de la piste lors du Dakar 2015 (c) Eric Vargiolu / DPPI

Certes les populations se déplacent en masse pour découvrir cette course qui est toute nouvelle pour eux (en Bolivie, l’année dernière, nous avons eu 350 000 personnes), le Dakar n’est pas qu’un événement pour l’Amérique du Sud. Avec les 60 nationalités représentées dans la caravane, l’événement est véritablement devenu international puisque chaque nationalité sur le Dakar génère sa propre couverture médiatique. Au total ce sont plus de 190 pays qui retransmettront le Dakar soit 1 200 heures de télévision pour le Dakar, le premier événement sportif de l’année calendaire.

Sébastien Loeb rejoint le Rallye Dakar comme pilote Peugeot. Est-ce vous pensez que sa présence peut booster la notoriété et la visibilité de la compétition? Si oui, allez-vous « partir à la chasse » de pilotes d’autres disciplines pour le Dakar ?

J’ai été cherché des gens à une époque mais pour les nouveaux, ils sont venus nous voir pour le côté défi sportif. Le Dakar a une place à part dans le sport. Le Dakar est redouté car difficile. Je trouve ça très courageux que les coureurs de l’Enduro, Sébastien Loeb ou encore Mikko Hirvonen viennent concourir sur le Dakar riches de leurs palmarès dans leurs disciplines et viennent se frotter au Dakar. C’est très enrichissant pour eux et pour nous car cela crée un renouvellement de générations auquel on assiste cette année. Je crois beaucoup au mélange et au brassage et ce sera très intéressant à voir.

5/ Quelle est la place du digital et des réseaux sociaux dans la course ? Pour l’organisation ? Pour les pilotes ?

Le digital est un point capital de notre communication. Nous avons plus d’1 millions de fans sur facebook. Nous essayons de faire vivre nos réseaux tout au long de l’année avec différentes prises de parole : les conférences de presse, l’arrivée de nouveaux concurrents. Tout ceci crée de l’engouement et de la discussion. Nous faisons mieux que d’autres événements comme Roland-Garros sur certains réseaux sociaux.

Tout au long de l’épreuve, vous retrouverez une animation régulière. Sur l’édition précédente, nous avons franchi le cap du million de vues sur nos contenus. La véritable difficulté est de faire vivre l’événement tout au long de l’année mais cette problématique est la même pour les grands événements sportifs que ce soit Roland-Garros ou le Tour de France.

Nous laissons faire un certain nombre de choses aux concurrents mais nous demandons aux concurrents de déclarer en amont leurs intentions pour voir ce qui est faisable ou non.

6/ Le Dakar 2016, c’est 556 concurrents, 354 véhicules en course, des cars régie et de l’assistance technique. Quel est l’impact du Dakar sur l’environnement ?

Le Dakar a fait sa mue comportementale depuis ses années africaines. Le Dakar a évolué par obligation morale et plutôt comme un précuseur.

En effet, le Dakar est l’un des premiers événements sportifs à avoir analysé son empreinte carbone. Puis nous avons pris la décision de compenser notre empreinte carbone à hauteur de 100 000 dollars en finançant un projet international qui oeuvre dans la forêt amazonienne. Oui, le Dakar laisse une empreinte carbone mais nous avons décidé de compenser très tôt. Et, cette approche intéresse les pays comme l’Argentine pour qui la géographie et l’environnement sont des points clés de son tourisme. 

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De plus nous avons une politique de tri de déchets très stricte, que ce soit pour l’organisation, les concurrents mais aussi le public. Les gens qui pratiquent cette discipline et viennent pour le Dakar sont fondamentalement des gens qui ont une sensibilité pour la course et font donc tout pour respecter cela.

Et pour finir, une évaluation pré et post-événement est réalisée pour s’assurer que l’environnement est respecté.

7/ La Formule E commence à faire parler d’elle, est-ce qu’on peut à terme imaginer le développement des voitures hybrides par exemple ?

Elle existe ! La catégorie qui permet l’accession aux véhicules électriques existe. Nous avons des Slovènes et des Espagnols avec un projet très ambitieux d’une voiture 100% électrique. Néanmoins, la nature des spéciales rend cela très compliqué. Sur le Dakar, organiser un point de ravitaillement toutes les 25 minutes est impossible. Mais nous portons leur projet et nous sommes fiers de voire ce type de technologie arriver sur le Dakar.

Le 38ème Rallye Dakar en chiffres :

  • 556 concurrents couvrant 60 nationalités
  • 354 véhicules engagés (110 voitures, 143 motos, 46 quads, 55 camions)
  • 13 jours de course,
  • 9 000 km de course, 5 000 km de compétitions
  • 60 voitures, 12 hélicoptères, 7 avions, 50 camions de fret, 10 bus et 10 camions dédiés à l’organisation
  • 1 hôpital de campagne, 1 avion sanitaire et 60 médécins
  • 4 pays traversés depuis l’arrivée en Amérique du Sud : Argentine, Bolivie, Chili, Pérou
  • 4.8 millions de spectateurs en 2015
  • 2 800 personnes présentes chaque jour sur le bivouac
  • 20 chaînes de TV sur le bivouac
  • 147 médias représentés
  • 1 200 heures de TV dans 190 pays
  • 1 400 journalistes accrédités
  • 73 millions de pages vues et 3.5 millions de visiteurs uniques sur le site internet
  • 2 partenaires institutionnels (la République d’Argentine et la République de Bolivie), 1 diffuseur officiel (France Télévisions), 3 partenaires officiels (BNA, SpeedAgro, Total) et 7 fournisseurs officiels (Edox, Elf, Honda, Kärcher, Michelin, Sodexo, Toyota)
  • 314,8 millions de dollars de retombées économiques directes et indirectes estimées en Argentine et Bolivie
  • 97% de notoriété spontanée du Dakar au Chili, Argentine, Bolivie et Brésil

Merci à Etienne Lavigne pour le temps accordé à l’interview et merci à Sarah Pitkowski et son agence 15Love pour l’opportunité !