Stefan Etcheverry (BFM TV) : « Le rugby est synonyme de rapprochement et d’envie d’aller vers les autres  »

Stefan Etcheverry repart pour une deuxième saison aux commandes de « Week-end Première », la matinale week-end de BFM TV qu’il co-présente avec Perrine Storme. En cette période de Coupe du Monde de Rugby 2019, Sportsmarketing.fr a pris le petit-déjeuner avec l’ancien journaliste de Canal+ et I-Télé qui fut également sélectionné dans l’équipe d’Autriche de rugby. Stefan Etcheverry nous raconte notamment comment il est passé de l’information sportive à l’information générale et dessine de nombreux parallèles entre sa vision du journalisme et le rugby, « plaidant à fond pour l’audace, la prise d’initiatives… et les relances des 22 ».

Bruno Cammalleri : comment avez-vous débuté votre carrière de journaliste ?

Stefan Etcheverry : le sport était ma passion, et c’est par là que j’ai commencé. Je suis entré assez tôt au service rugby de Canal+ où j’ai fait des commentaires de matchs, des déplacements et des émissions pendant 15 ans. A un moment donné, j’ai senti qu’il fallait que je me mette en danger, il fallait que je sorte de ma zone. Je suis comme ça, j’aime me mettre au défi. J’ai donc eu des opportunités de glisser vers de l’information générale et c’est alors que j’ai rejoint I-Télé en y faisant des journaux et des chroniques sport avec cette idée d’être polyvalent. J’ai tendance à croire que la recette de notre métier c’est d’être capable d’être à l’aise partout. En étant ouvert à plein d’autres choses, en se rendant disponible et en proposant. Il y avait dans le groupe Canal+ des possibilités de passerelles. Encore fallait-il se manifester.

Bruno Cammalleri : vous y avez présenté plusieurs émissions, de rugby bien sur, mais aussi plus omnisports comme « En route pour Pékin »

Stefan Etcheverry : oui, absolument, « En route pour Pékin » était l’émission compte à rebours des JO de Pékin 2008. Elle était diffusée en access prime-time. Canal+ avait ouvert une case spécialement dédiée à ce programme et cela m’avait beaucoup plu de le présenter. Le principe était d’emmener les téléspectateurs à la redécouverte des Jeux Olympiques et à la découverte de la Chine. Je suis très rugby et j’ai fait ma carrière dans le rugby. Cela ne m’a pas empêché de faire des trucs très intéressants hors du rugby à Canal où j’ai animé plusieurs émissions omnisports.

Bruno Cammalleri : vous entamez en cette rentrée votre deuxième saison à la présentation de « Week-end Première » sur BFM TV…

Stefan Etcheverry : après avoir quitté le groupe Canal+, je me suis tourné vers le milieu de la production. J’ai ensuite rejoint BFM Paris où j’ai animé la matinale pendant une saison. On m’a ensuite proposé de présenter la matinale week-end de BFM TV. Je co-anime « Week-end Première » depuis un an, la saison dernière avec Aurélie Casse et cette année avec Perrine Storme.

Week-end Première - Perrine Storme & Stefan Etcheverry
Week-end Première – Perrine Storme & Stefan Etcheverry

C’est une tranche d’information de 6h à 10h avec des journaux mais aussi des portes ouvertes auxquelles je tiens beaucoup. On traite de sujets concernant : société, consommation, vie quotidienne… Ce n’est pas parce que l’on est enfermé dans un studio TV que l’on doit parler d’autre chose que de la vie et ses sujets. Le plateau TV n’est pas et ne doit pas être une chambre hermétique. Mais il faut être très informatif, et le faire avec beaucoup de rigueur. C’est ce qui nous donne un ticket d’entrée pour, ensuite, être soi même et ouvrir d’autres portes.

Bruno Cammalleri : C’est quoi le style Etcheverry ?

Stefan Etcheverry : Je ne sais pas si on peut parler de style. L’idée est juste de se dire qu’il faut s’éloigner d’un journalisme trop clinique , mécanique. Ne pas s’enfermer dans du « il faut faire ça » ou « on demande ça ». Dans les chaines d’information, le cadre est posé. Pour ma part , je bouge beaucoup dans ce cadre.

Bruno Cammalleri : pouvez-vous revenir sur votre passage en équipe d’Autriche de rugby ?

Stefan Etcheverry : j’ai deux nationalités, je suis également autrichien par ma mère et je suis très attaché à ce pays. J’ai joué au rugby pendant 20 ans, notamment à Clamart, et quand j’ai appris l’existence d’une équipe nationale de rugby en Autriche je me suis dit « pourquoi pas ». Je me suis donc mis en relation avec le staff et mon niveau de l’époque m’a tout de suite permis de jouer.

« Cette pratique du rugby m’a aidé pour en maîtriser les codes »

Je me souviens de matchs contre l’Ukraine, la Slovénie, la Hongrie ou la Bosnie. On a même disputé les qualifications de la Coupe du Monde 1999. Notre niveau n’était pas très élevé mais ce sont des rencontres internationales avec les maillots, les tenues, les hymnes et les réceptions d’après-matchs. J’ai adoré cette expérience. Cette pratique du rugby m’a aidé pour en maîtriser les codes, ce qui a été très utile ensuite dans mon approche et la conception de mes commentaires et émissions. C’est clairement mieux d’avoir fait du rugby avant. J’ai pu mieux anticiper certaines choses, notamment les aspects techniques. J’ai commencé le rugby à l’âge de 8 ans, dans une école de Rugby à Clamart et j’y ai fait ma vie sportive. J’ai débuté en équipe première à 17 ans et j’ai joué jusqu’à 30 ans. Je ne pouvais ensuite plus assumer un emploi du temps cumulant rugby et médias avec tous les déplacements que j’avais à Canal. Idem pour nos déplacements avec Clamart dans le championnat de France. Je ne pouvais donc plus faire les deux.

Bruno Cammalleri : en quoi les valeurs liées au rugby vous inspirent-elles dans votre pratique du journalisme ?

Stefan Etcheverry : pour moi le rugby est synonyme de rapprochement et d’envie d’aller vers les autres. Je trouve que le rugby est très décomplexé dans son approche des gens. Il n’y a pas de barrière et on va vers les autres. On voit qu’il y a un langage commun dans le rugby et celui-ci se veut rassembleur avec des relations humaines décomplexées. Dans le boulot c’est pareil, il faut cultiver l’autodérision, savoir rire de ses propres écarts, et en profiter pour être audacieux. On doit tenter des trucs. Il n’ y a aucun risque à prendre des risques… L’important ce n’est pas le sujet que l’on traite, l’important c’est la manière dont on va le traiter, ce que l’on va en faire. Il y a une vraie différence.

« Les sujets sont dans nos vies »

Bien sur le jeu appelle la faute mais il faut y aller. Pourquoi devrait-on se brider ? Quand on se retrouve à l’antenne, si le sujet s’y prête bien sur, se dire : « on va faire un truc sympa » et pas « on y est, on subit ». Cet état d’esprit vient probablement de ma pratique du rugby où l’on doit savoir prendre la fameuse ligne d’avantage. En rugby il ne faut pas subir, car subir signifie perdre. Il faut mettre le pied en avant et en journalisme c’est le pied dans la porte. A chaque sujet, se dire que rien est joué, se dire qu’il faut rebattre les cartes et chercher, chercher encore… Les sujets sont dans nos vies, c’est pour cette raison qu’il faut mettre le nez dehors. Rester eu café, manger au restaurant , rencontrer, discuter et écouter. Ça ne se joue pas derrière un écran ou devant les dépêches… L’organisation du travail dans les rédactions ne permet pas souvent a certains jeunes journalistes de passer du temps dehors, du temps pour lire la presse ou pour multiplier les rencontres. C’est pourtant là que se jouent les plus belles histoires.

Bruno Cammalleri : que pensez-vous de l’exercice du commentaire sportif ?

Stefan Etcheverry : c’est un exercice passionnant, mais qui est tout de même formaté. Je trouve qu’il y a davantage de prises d’initiatives que par le passé. On pourrait dire qu’il y a un peu plus de relances des 22 ! Les commentateurs actuels tentent des trucs et c’est très bien. Il y a dix ans le commentaire était plus restrictif. Dans la tonalité, la portance et le vocabulaire, les commentaires évoluent clairement dans la bonne direction. Ce qui est bien en sport, c’est qu’on peut complètement se lâcher. Cela n’est pas tout à fait le cas en information générale car, sur certains sujets, ce serait une faute de se lâcher. Je plaide à fond pour l’audace et la prise d’initiatives. En rugby on dirait « relance des 22 », on se fait contrer, on prend un essai, et ensuite on engage au centre du terrain.

Bruno Cammalleri : avez-vous le temps de suivre les autres sports ?

Stefan Etcheverry : je regarde beaucoup le football. Il y a des rapprochements entre le rugby et le handball dans l’état d’esprit, les handballeurs sont d’ailleurs très amis avec les rugbymen car ils ont une culture commune de la difficulté et de la fête. J’aime suivre tous les sports, tout m’intéresse. En revanche je ne suis pas du tout supporter et je ne suis pas à fond derrière une équipe. Je préfère vivre la performance des équipes ou des sportifs que je vais regarder.

Photos : Yann Audic