Tennis et démarche RSE : Entretien avec Nicolas Préault, CEO de Tecnifibre

Tecnifibre fait du tennis, du squash, du padel… autrement dit des sports de raquette. Mais pas seulement. L’entreprise basée dans les Yvelines, dont les chiffres de croissance ne font qu’augmenter depuis son rachat par Lacoste en 2019 et sous l’impulsion de son CEO Nicolas Préault, cultive un certain état d’esprit d’équipe, de passionnés de sport, de compétiteurs et depuis plus récemment une démarche RSE. Qu’est-ce qu’une démarche RSE dans le tennis, à quoi cela ressemble ? On en parle avec Nicolas Préault, CEO de Tecnifibre, qui sort en ce mois d’avril la gamme de tee-shirts X-Loop issue de la collecte des chutes de cordage recyclées.

Bruno Cammalleri : Comment l’idée de récupérer les chutes de cordages de raquettes pour les transformer en textile est-elle venue ?

Nicolas Préault : Cette démarche s’inscrit dans l’évolution de notre projet. Cela fait maintenant 7 ans que l’on travaille au quotidien sur la marque avec de très bons résultats. Il était temps de se poser des questions sur comment contribuer à la sauvegarde de la planète. Notre démarche de RSE a vraiment débuté il y a deux ans avec Lou Adler, que nous connaissions bien vu que nous l’avions sous contrat lorsqu’elle était joueuse de tennis professionnelle. Lou a fait un double cursus HEC et Polytechnique avec une année en alternance qu’elle a souhaité faire chez nous. Or Lou d’un point de vue personnel est très intéressée et sensible aux sujets RSE et d’écoresponsabilité. Je lui ai donné carte blanche sur la partie RSE. Ainsi, grâce à Lou nous avons d’abord réalisé notre bilan carbone avec l’aide de l’ADEME et aujourd’hui nous en sommes à écrire notre trajectoire SBTI (Science-based Target Initiative) qui doit nous fixer un objectif à moyen terme puis un plan d’ations.

Bruno Cammalleri : Justement comment avez-vous déclenché l’action suite à ces réflexions menées en amont ?

Nicolas Préault : En parallèle nous avons réfléchi à nos différentes catégories de produits. Tecnifibre, c’est le cordage ! Nous sommes d’ailleurs le leader mondial du cordage. Ce qui nous gênait à l’époque c’est que pour corder une nouvelle raquette il fallait décorder l’ancien cordage que l’on avait l’habitude de jeter. Or le cordage c’est du polyester, nos produits techniques dans l’univers du textile ce sont aussi des produits en polyester. Il fallait trouver un truc ! Nous avons trouvé un partenaire basé à Barcelone qui s’appelle Infinite Athletic, une start-up avec des gens très pointus et astucieux. Nous avons alors réussi à trouver une solution technique pour utiliser les chutes de cordage et en faire ensuite de la matière première qui nous permet de développer des produits textiles techniques, des tee-shirts pour l’instant, et demain plein d’autres choses.

Bruno Cammalleri : On part d’un produit tennis pour en faire un autre produit tennis, la boucle est bouclée finalement ?

Nicolas Préault : Ce qui m’a beaucoup plu c’est que l’on part des chutes de cordage, mais surtout, on arrive à un produit éco-responsable qui est extrêmement performant puisqu’il est ultra léger, ultra respirable, résistant dans le temps et qui reste compétitif en termes de prix. On arrive donc dans ce mois d’avril avec la commercialisation de ces premiers tee-shirts dont nous sommes très fiers. Tecnifibre n’arrête pas d’innover sur les cordages que l’on commercialise dans le monde entier, donc quelque part oui on a bouclé la boucle ! C’était important pour Tecnifibre de se poser les bonnes questions sur la protection de la planète et c’est un beau premier projet qui motive toutes les équipes en interne.

Chez Tecnifibre on est une petite équipe et on est tous des entrepreneurs dans l’âme. Quel que soit son niveau hiérarchique chez nous, à partir du moment où quelqu’un a une bonne idée, il ou elle va aller au bout de son idée. Ici l’idée a été mise en place par Lou Adler et Lou est allée jusqu’au bout de son idée initiale. Dans un premier temps il s’agissait de faire de la RSE l’un des piliers stratégiques de la marque et dans un second temps amener du concret avec un projet aussi puissant que la gamme X-Loop.

Bruno Cammalleri : Quels sont les produits qui composent cette gamme X-Loop ?

Nicolas Préault : Nous avons pour l’instant 4 tee-shirts mais nous voulons que, rapidement, 100% de nos produits polyester soient basés sur le concept X-Loop. S’agissant de la distribution on est là aussi resté fidèle à la philosophie de la compagnie, c’est-à-dire y aller de manière très humble, étape par étape. Nous avons voulu sélectionner de vrais partenaires magasins que l’on connaît très bien et qui vont s’impliquer pour que l’on puisse créer ensemble une histoire à succès pour le développer en France et partout dans le monde.

Bruno Cammalleri : A quel point les joueurs de tennis sont sensibles aux sujets environnementaux ?

Nicolas Préault : Cela dépend vraiment des pays. En France il y a une forte sensibilisation sur ces enjeux RSE. A partir du moment où on leur dit : « si vous achetez ce produit, à un juste prix, vous entrez dans une démarche 100% responsable avec un produit 100% performant », c’est certain que ce sera un succès commercial. Nous avons commencé à implanter cette gamme dans les magasins et les premières sorties sont très bonnes. La question que je me pose c’est plutôt est-ce que ces consommateurs-là sont capables de faire des concessions soit sur la performance du produit, soit sur la compétitivité en matière de prix, pour entrer dans une démarche RSE. La question se pose. En tous cas, la responsabilité des entreprises comme Tecnifibre c’est de pouvoir embarquer nos consommateurs en les rassurant sur la qualité du produit et son prix. Dans ces conditions, quand on discute avec ces consommateurs, bien entendu qu’ils sont extrêmement sensibilisés et ils nous accompagnent en achetant les produits. Par ailleurs, j’avais fixé comme cadre aux équipes dans ce projet en leur disant allons-y sans faire de concessions ni sur la performance ni sur le niveau de prix du produit. Il y a une réalité économique que l’on doit garder tout comme la réalité de la qualité fonctionnelle que l’on propose à nos clients que l’on doit respecter. Nous devons avant tout satisfaire des clients qui sont exigeants.

Bruno Cammalleri : Quelles autres actions prévoit Tecnifibre dans sa démarche RSE ?

Nicolas Préault : Nous avons réalisé notre bilan carbone en collaboration avec l’ADEME et nous sommes actuellement dans la deuxième étape qui consiste à fixer notre trajectoire de décarbonation avec un plan d’actions associé à des objectifs. Cela est en cours de travail. Je suis personnellement sponsor de ce projet, je suis en contact permanent avec Lou et avec l’agence qui nous accompagne. On se voit tous les 15 jours pour faire un point d’étape précis sur la situation à date et les prochaines étapes. Mon Comex est également partie prenante de la démarche puisqu’il est dans les groupes de travail afin de se projeter sur le long-terme sur ce que deviendra Tecnifibre à horizons 10, 15, 30 ans et voir comment nous allons intégrer la logique RSE dans la réflexion. A court terme, on a déjà réalisé un audit complet avec nos fournisseurs, et nous avons mis en place des déjeuners RSE tous les trimestres animés par Lou. Par exemple, Feucherolles est assez loin de Paris et nous sommes mal desservis par les transports en commun. Nous avons mis en place un projet développé par l’un des salariés de Tecnifibre qui favorise le covoiturage avec un système de primes au covoiturage. L’ensemble de la démarche embarque très bien l’ensemble des équipes en interne. Tous sont des sportifs qui aiment les challenges et travailler en équipe. Il y a un vrai état d’esprit chez Tecnifibre.

Bruno Cammalleri : Après une année 2022 très réussie avec 45,7 millions de chiffre d’affaires, où en est la progression de la marque en 2023 et quels sont les chiffres visés pour 2024 ?

Nicolas Préault : On a terminé l’année 2023 avec une progression de 17% à 53 millions d’euros, ce qui signifie que l’on a doublé le chiffre d’affaires en trois ans. On a donc dépassé le seuil historique des 50 millions d’euros. Pour rappel, au moment où Tecnifibre est rachetée par Lacoste, le CA était autour de 22 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est là que l’on peut voir tout le chemin qui a été parcouru. On devrait être en 2024 sur une progression d’environ 5%. Nous allons calmer un peu la progression sur 2024 qui sera vraiment une année de consolidation pour s’adapter à la nouvelle taille de l’entreprise car on ne gère pas une société de 50 millions comme une société de 20 millions, et pour s’adapter aux différents challenges du marché. Dès début 2025 nous réaccélérerons pour pouvoir continuer à se développer sur le tennis, le squash, le paddle et le pickleball. Par ailleurs, notre marque est fortement ancrée au niveau international : nous faisons 85% de notre business en dehors du marché français avec de répartitions intéressantes : 50% sur l’Europe, 25% aux USA, 15% sur Asie/Pacifique, 5% sur l’Amérique latine et 5% sur la zone Afrique & Moyen-Orient. La marque fonctionne très bien !

Bruno Cammalleri : Quels sont les tournois de tennis où Tecnifibre continue d’être partenaire ?

Nicolas Préault : Tecnifibre reste présent sur les deux territoires les plus stratégiques pour nous, à savoir l’Europe et les Etats-Unis. En Europe Tecnifibre est cordeur et balle officielle à Rotterdam (ATP 500 en indoor) et le Masters 1000 de Monte-Carlo. Du côté américain Tecnifibre est sponsor platinum et cordeur officiel du Miami Open, et nous sommes cordeur officiel sur le Tournoi ATP 500 de Washington.

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