Interview : Jeremy Jones

Pour tous les freeriders de Big Mountain et pour les néophytes, Jeremy Jones est à la montagne ce que Laird Hamilton est à la mer. Charismatique, emblématique et d’une apparente zénitude, c’est comme si l’on décelait plusieurs vies chez ce baroudeur.
A Paris pour nous présenter la dernière vidéo de son tryptique, Deeper (2010), Further (2012), nous voici ce soir au Grand Rex, pour assister à la première parisienne de Higher.

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La présence de Jeremy Jones à Paris est à peu près aussi rare que fut le soleil sur la capitale cet été, c’est vous dire l’opportunité de réaliser cet entretien. L’interview sera donc brève car le planning est chargé.
Nous nous installons dans la salle du Grand Rex après la projection, vidée de ses spectateurs. Il me remercie de ma venue.
Vincent Tasteyre : Jeremy, tout d’abord, merci à toi, merci pour ce film et tout ce que tu fais pour notre sport depuis des années. Rares sont les privilégiés qui peuvent vivre de leur passion et encore plus rares sont ceux qui en profitent pour faire avancer notre sport.
Vincent Tasteyre : Ma première question sera : ton film débute sur l’esprit, que dans un voyage, le plus important n’est pas la destination, mais le voyage. Qu’as-tu retenu des tiens ?
J.J : Oui, c’est tout à fait cela. Ce que j’en ai retenu c’est d’apprécier le moment, vivre l’instant présent et surtout être en paix.
V.T : Tu as été nominé par le National Geographic comme Aventurier de l’Année en novembre 2012. Comment cela a-t-il affecté ta carrière ?
J.J : Personnellement, cela a été un immense honneur. Cela m’a ouvert quelques portes mais foncièrement cela n’a pas affecté ma notoriété. Les sponsors ne se sont pas précipités pour travailler avec moi.

V.T : Cela n’a-t-il pas élargit ton public ?
J.J : Pas tant que ça, je ne suis pas plus reconnu qu’avant et la recherche de sponsors pour mes films fut tout aussi difficile qu’auparavant. Les marques ne se sont pas dit « Tiens, c’est Jeremy, on va travailler avec lui, maintenant qu’il est Aventurier de l’Année ».
V.T : Tu es un des riders les plus engagés dans la protection de l’environnement. Tu as notamment créé l’organisation Protect Our Winter. Est-ce que tes sponsors sont impliqués dans tes projets pour l’environnement comme POW et comment les impliques-tu ?
J.J : Presque tous le sont ou le seront. Lorsque je travaille avec une compagnie, il est important pour moi que celle-ci adhère à des valeurs dont ces projets font partie et pour l’instant presque tous mes sponsors soutiennent ces projets car ils soutiennent aussi ces valeurs.
V.T : Tu es avec O’Neill depuis longtemps maintenant…
J.J : Oui, 12 ans…
V.T : Une fidélité qui, dans le milieu, n’est pas courante. Sur quoi repose-t-elle ?
J.J : O’Neill m’ont toujours fait confiance dans mes choix et respectent des valeurs auxquelles je crois. Ils sont d’un très grand soutien pour POW aussi. Je ne serais pas aussi fidèle si nos valeurs n’étaient pas les mêmes.
V.T : Je vais maintenant te demander 3 noms. 1 rider qui t’a influencé par le passé, 1 rider qui t’inspire aujourd’hui et 1 rider qui pourrait t’inspirer demain.
J.J : Je vais rester européen…
V.T : …Tu n’es pas obligé, c’est ton interview.
J.J : Oui, mais c’est aussi parce que beaucoup de riders européens m’ont inspiré. Par le passé, Jérôme Ruby, par exemple, par son agressivité, son style, son esprit de compétition. Aujourd’hui, je dirais Xavier Delerue, pour son style, son aisance, ses figures et sa technicité. Il est extrêmement talentueux et très ouvert. Et pour les jeunes futurs talents, c’est plus compliqué, je dirai Jimmy Goodman et Franck Knab. Il est difficile pour moi de rester européen car mes connaissances locales ne sont pas aussi pointues. Goodman et Knab sont très matures et leurs rides sont très sûrs pour leur âge.

V.T : T’es-tu déjà engagé sur une face et te dire, finalement, que tu ne devrais pas y aller ?
J.J : La Nature peut parfois être dangereuse si on ne lui accorde pas le respect qu’elle demande. C’est un ensemble d’éléments qu’on ne maîtrise pas et qui peuvent être très changeants donc oui, parfois il faut savoir renoncer.
V.T : Après Deeper, Further et Higher, doit-on s’attendre à «Steeper » (plus raide), lorsque l’on voit les pentes que tu gravis et que tu descends dans ce dernier volet ?
J.J : Je ne sais pas quel sera le prochain projet, mais il y aura d’autres films et d’autres projets sur d’autres montagnes.
V.T : Je vais maintenant te poser une dernière question que j’ai eu l’occasion de poser à Kelly Sildaru, Travis Rice et Sarah Burke, à Tignes peu avant qu’elle nous quitte ; dans le sport que tu pratiques, quelle est ta plus grande peur ?
J.J : Ne pas revenir chez moi pour pouvoir retrouver ma famille.
J.J : Je suis curieux de savoir ce qu’ont répondu Sarah et Travis.
V.T : Sarah a répondu « Qu’elle n’avait pas peur ni dans le pipe ni en freeride et que le jour où elle aurait peur, cela voudrait dire que je n’aurais plus rien à apporter à mon sport », Travis a répondu que « S’il avait peur sur une face, alors c’est qu’il ne devait pas être là où il est »… Mais tu es le plus âgé et le seul avec une famille et des enfants ce qui change les responsabilités et les sens des priorités.
J.J : Oui, c’est certain, je suis devenu plus…
V.T : hmm…sage ?!
J.J : Ça doit être ça

Merci à Jeremy Jones, Remy Chaussemiche de chez O’Neill et Fred Picchiarini de chez Epic TV