De la Formule E aux 24 Heures du Mans en passant par l’Extreme E et TF1, entretien avec Jean-Eric Vergne

Avec une double manche organisée en nocturne à Diriyah (Arabie-Saoudite), le double champion de Formule E Jean-Eric Vergne sera vendredi 26 février 2021 avec DS Techeetah au départ de la 7ème saison du championnat du monde tout électrique de la FIA. Entre l’objectif de décrocher un nouveau sacre et la perspective du projet Peugeot en Endurance pour 2022, Sportsmarketing.fr s’est entretenu avec l’ancien pilote de Formule 1 chez Toro Rosso qui multiplie les projets sur et en dehors des circuits.

Bruno Cammalleri : comment vous-adaptez-vous à la situation actuelle liée à la covid-19 et aux périodes sans compétition sur la piste ?

Jean-Eric Vergne : il n’y a pas vraiment de secret, on attend patiemment et on se prépare pendant tout ce temps. C’est la première fois que j’ai eu autant de temps pour pouvoir me concentrer sur ma préparation physique. Je suis parti plusieurs semaines en janvier faire de la préparation physique, ce que je n’avais pas pu faire depuis longtemps. Quand on est bien dans son corps, on est bien dans sa tête, donc c’était cool de pouvoir faire ça.

Bruno Cammalleri : vous faîtes partie des sept pilotes engagés par Peugeot pour son retour en Endurance. Ça fait quoi de démarrer un projet de cette ampleur avec une marque emblématique de son pays et de la course automobile ? 

Jean-Eric Vergne : c’est génial, c’est un rêve ! Ça fait longtemps que je voulais faire Le Mans, surtout dans une équipe qui puisse jouer la victoire au classement général. Pour moi c’est un projet de plusieurs années car je suis arrivé en LMP2 chez Manor en 2017, puis ensuite j’ai pu monter dans une meilleure voiture pour montrer mes performances et pouvoir être repéré par une équipe comme Peugeot. C’est top d’avoir la confiance d’une telle équipe dès le début pour construire ce projet. Il y a tellement de synergies au sein du groupe Stellantis Motorsport, et puis tous les bureaux, de DS comme de Peugeot, sont proches. Je me sens très fier de représenter deux marques françaises à haut niveau en sport automobile. Avec DS, nous avons connu de très belles années et nous travaillons fort pour continuer sur cette voie. Avec Peugeot, nous allons fournir la même intensité de travail pour arriver à ces résultats. Je pense aussi que la victoire est dans l’ADN du groupe. Dans toutes les catégories, toutes les marques du groupe qui ont couru en sport automobile ont gagné : Citroën en WRC ou en WTCC, Peugeot au Mans, en rallycross, DS en Formule E… on vient pour gagner et non pour faire de la figuration, et on s’en donne les moyens. Ça me fait extrêmement plaisir d’être dans cette équipe avec cet ADN là car j’ai le même.

Bruno Cammalleri : les écarts chronométriques à Valencia lors des tests d’avant saison de Formule E se sont révélés très serrés. Est-ce que cela sera aussi resserré en course ?

Jean-Eric Vergne : les écarts sont tellement serrés qu’il est difficile de dessiner tout de suite une hiérarchie. On concentre plutôt notre énergie pour essayer d’être les plus performants possibles et minimiser les erreurs qui sont possibles sur un week-end de course. En général, si on fait un week-end sans erreur avec la voiture dont on dispose et les personnes membres du team, nous ne sommes jamais très loin de la première place. 100 % de notre attention doit se porter sur l’objectif de faire le week-end le plus clean possible.

Bruno Cammalleri : la Formule E démarre sa 7ème saison. Vous y pilotez depuis la saison 1, alors comment percevez-vous son évolution depuis 2014 ?

Jean-Eric Vergne : au vu des équipes et constructeurs engagés, comme des marques associées dans ce championnat ainsi que de l’engouement, la Formule E est un championnat qui a bien évolué. Comme toute société, plus on grandit et plus c’est compliqué de garder la dynamique. C’est maintenant que la Formule E va avoir le plus gros du travail à faire. Quand on est une start-up on veut essayer de grossir, ce qui est compliqué. Mais c’est encore plus compliqué de continuer d’innover et de grandir. Ce n’est pas simple, surtout avec tous les différents constructeurs engagés, pour les garder tous et pour satisfaire tout le monde.

Bruno Cammalleri : avec Veloce Racing, vous devenez cofondateur d’une écurie d’Extreme E. Est-ce une façon pour vous de prolonger un engagement en faveur de la mobilité propre ?

Jean-Eric Vergne : oui, surtout que la Formule E agit beaucoup en faveur de la mobilité propre et de l’énergie électrique. L’Extreme E entend pousser cette démarche encore plus loin, d’où son nom et ce côté extrême ! On ne touchera pas seulement à l’énergie électrique mais on poussera le questionnement au réchauffement climatique. L’Extreme E ira courir en forêt amazonienne dans des zones victimes de la déforestation avec en parallèle un programme de reforestation ou encore un programme de nettoyage de plages au Sénégal. Ça nous permettra de faire encore plus de sensibilisation sur ces sujets environnementaux.

Bruno Cammalleri : vous êtes le consultant Formule 1 de TF1 depuis 2018. Comment avez-vous vécu cette expérience du commentaire ?

 Jean-Eric Vergne : c’était top, je me suis bien amusé avec Adrien Paviot. C’est toujours plus simple en tant que consultant d’avoir un top commentateur à côté. Nous avions fait un Grand Prix test dans les cabines de TF1 en 2017, celui de Bakou, sans diffusion TV. Ce fut une course folle qui nous a débridé dès le début, nous n’avions pas de pression et nous nous étions bien amusés sur ce Grand Prix. Il y a tout de suite eu cette synergie entre nous deux. Adrien Paviot préparait toujours très bien ses notes et les choses se faisaient finalement de façon assez naturelle sans se préparer des heures avant le Grand Prix. J’essaie de bien expliquer la course au public de TF1, qui n’est pas forcément identique à celui de Canal+ et peut être un peu moins au courant de tout ce qu’il se passe en F1. On essaie de faire passer le meilleur Grand Prix possible aux téléspectateurs en donnant un point de vue objectif. C’était une super expérience, j’ai beaucoup aimé. A ce jour je ne sais pas si TF1 va continuer.

Bruno Cammalleri : Formule E, Extreme E, Endurance, Esport, TF1… vous vous êtes beaucoup diversifié ces derniers mois. A quel point cette démarche est-elle importante pour vous ?

Jean-Eric Vergne : c’est avant tout une super aventure humaine. C’est avec Veloce que l’on fait l’esport et l’Extreme E, avec aussi pas mal d’autres projets que l’on voudrait faire ensemble. L’histoire va continuer ! Je pense qu’il est important de diversifier ce que l’on fait dans la vie. Ça me permet de retirer un peu de pression côté sportif. Le fait que je quitte la Formule 1 sans rien à côté m’a mis une claque. Il faut garder à l’esprit que le sport automobile est compliqué et que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Quand j’ai eu la chance de recourir en Formule E et d’avoir ce nouveau départ, je me suis dit qu’il ne fallait plus que cela m’arrive. A partir de ce moment-là j’ai commencé à investir dans plusieurs sociétés, à créer des projets, et il y en aura d’autres à venir en 2021 qui n’ont rien à voir avec le sport automobile. Ça m’intéresse de toucher un peu à tout, surtout que je suis de tendance plutôt hyperactive et je n’ai malheureusement pas des courses tous les week-ends ni des entraînements tous les jours. C’est aussi important dans les journées off pour ma santé mentale que je puisse faire d’autres choses. D’ailleurs, nous allons ouvrir un restaurant Caviar Kaspia à Dubaï. Et on lance bientôt une boisson sur laquelle on travaille depuis deux ans, un spiritueux non alcoolisé, ça va être plutôt sympa !

Bruno Cammalleri : en plus de DS, vous êtes également ambassadeur Tag Heuer et Hugo Boss pour la Formule E. Qu’est-ce que vous aimez porter ?

 Jean-Eric Vergne : j’ai plusieurs activités, donc finalement plusieurs styles. Je peux très bien m’habiller un jour en jogging, basket, tee-shirt et pull à capuche, comme je peux aimer bien m’habiller avec de belles chaussures, cols roulés ou chemises. La chance que j’ai, c’est qu’Hugo Boss, qui est une marque qui a beaucoup changé sa collection depuis quelques années, fait du sportswear comme des costumes vraiment tops, donc j’ai une grande garde-robe Hugo Boss ! Ce qui fait que j’ai un grand choix le matin quand je m’habille, ce qui est plutôt cool ! J’ai aussi de plus en plus de montres Tag Heuer : des montres connectées et des montres classiques comme la Tag Heuer Monaco que j’adore et que j’ai reçu à New-York l’occasion de mon deuxième titre en Formule E en juillet 2019.

Credits Photos : Aurelien Avril

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